Il y a quelques semaines, j'ai lu dans un magazine anglais la Success Story de Cadbury. Je voulais vous la raconter à mon tour. Pourquoi ? Parce que j'ai découvert cette marque de chocolat anglaise à 15 ans lors de mon premier voyage scolaire en Angleterre. Et que j'adore apprendre l'aventure économique d'une entreprise de renom.
Dans les années 90, lorsque j'ai séjourné en Angleterre, j'avais dans mes lunch box cette barre de chocolat emballée dans le fameux papier jaune et violet, que l'on reconnaît aujourd'hui entre tous. Des petits carrés de chocolat fourrés au caramel liquide. C'est un peu ma Madeleine de Proust... Elle m'évoque des tas de souvenirs d'adolescence, et de ce voyage qui revient par soubresauts à la surface de ma mémoire. C'était la première fois que je voyais Trafalgar Square, Big Ben, les gardes de la Reine et leurs regards complètement impassible, les bus Impérial, les cabines téléphoniques d'un rouge vif, les déplacements en trains, les maisons de briques brunes... et les chips au vinaigre !
Alors encore introuvable en France, cette barre de chocolat était un vrai délice... Dix ans plus tard, quand je suis retournée à Londres, je me suis même ramenée un sac entier de ces petits carrés de chocolat fourrés au caramel ! Merci les boutiques Duty Free !
Aujourd'hui Cadbury est une des confiseries les plus connues au monde. Avec des usines implantées partout dans le monde, en Egypte, en Espagne, en Irlande, en Afrique du Sud, en Australie, au Japon et en Inde. A part les fameux chocolats, Cadbury est aussi reconnu pour ses biscuits - les fameux Finger toujours trop courts ! - ses gâteaux, ses pâtes à tartiner, et ses crèmes glacées... On a tous un Cadbury préféré, non ?
1824, à Birmingham
L'aventure Cadbury a débuté en 1824. John Cadbury ouvre une épicerie à Birmingham. Il y vendait du thé et du café et voulait se développer vers le cacao et notamment le chocolat chaud à boire. Cette décision, John Cadbury ne le savait pas encore, mais elle allait changer complètement sa boutique et on allait vite oublier le thé.
Son chocolat est devenu si populaire qu'en 1831 il loue une petite usine et crée sa propre unité de fabrication. Dans les années 1840, Cadbury vend onze variétés de cacao et seize sortes de chocolats à boire. John et son frère Benjamin, qui est devenu son associé, nomment alors l'entreprise Cadbury Brothers de Birmingham. Les affaires vont bien et ils ouvrent une boutique à Londres. En 1854, ils reçoivent un brevet officiel de fournisseur de la Cour Royale, une belle marque de reconnaissance. Leur chocolat devient celui de la Reine Victoria. A partir de ce moment-là, le chocolat devient quelque chose de plus aboradable car les taxes d'importations baissent.
John Cadbury cède son entreprise à ses fils, Richard et George dans les années 1860. Après un séjour dans les Pays-Bas, George ramène avec lui une machine qui permet de presser le cacao et d'enlever le beurre de cacao. Ce qui rend le chocolat à boire et le cacao en poudre bien meilleurs. Pour autant, qu'est-ce que Cadbury pouvait alors faire du surplus de ce beurre de cacao ? En 1875, une entreprise Suisse dirigée par Daniel Peter ajoute ce beurre de cacao à du lait en poudre et invente alors la première barre de chocolat au lait. Ce qui donne à Cadbury l'inspiration pour réaliser sa propre barre de chocolat, en version britannique. Cadbury a voulu ainsi tirer le meilleur parti de la méthode suisse. En 1905, l'entreprise lance Cadbury's Dairy Milk, aujourd'hui la plus connue des barres chocolatées du groupe, pour concurrencer le chocolat suisse.
Le chocolat sous rationnement
En 1919, Cadbury s'agrandit en fusionnant avec JS Fry & Sons, ce qui le met en compétition avec son rival anglais, le confiseur Rowntree's basé à York. Durant la Seconde Guerre Mondiale, on applique les rationnements. La fabrication du chocolat est placée sous le contrôle du gouvernement. Différentes entreprises doivent alors travailler ensemble. Si une entreprise ne peut pas réaliser une grosse commande seule, d'autres comme Nestlé peuvent alors fabriquer pour Cadbury et inversement. Alors qu'il n'y a plus de lait frais disponible, la fameuse barre Dairy Milk de Cadbury disparaît durant les années de guerre.
Après la guerre, la compétition entre les chocolatiers est plus acharnée que jamais. Les principaux acteurs sont Nestlé et Lindt en Suisse, Rowntree au Royaume-Uni, Mars et Hershey aux Etats-Unis. Cadbury et quelques autres industries commencent à fabriquer les désormais familières barres à la pièce, au nougat, au miel, à la gaufrette recouvert de chocolat, comme Kit Kat ou Crunch.
Pendant une grande partie du XXè siècle, Cadbury est l'entreprise leader au Royaume-Uni. En 1969, elle fusionne avec Schwepps, spécialiste Suisse de l'eau gazeuse qui se développe peu à peu en Amérique du Nord. En 2006, pour augmenter la valeur de l'entreprise Cadbury Schwepps scinde en deux leurs activités. D'une part, la confiserie et le chocolat, en Angleterre. Et de l'autre les boissons en Amérique du Nord. C'est à Schwepps qu'appartiennent les marques 7Up, Canada Dry, Gini, Orangina...
En 2010, après plusieurs propositions Cadbury accepte finalement l'offre de rachat par Kraft Foods. Le fabricant de chocolat change ainsi considérablement de taille, moyennant une enveloppe de 12 milliards de livres sterling, et devient ainsi la filiale de Kraft Foods, très connue pour ces fromages frais type Philadelphia. Pour accepter cette reprise, Cadbury a négocié le maintien de son indépendance. Pas question de faire une opération financière et une revente spéculative sur le dos de la société plus que centenaire. Gordon Brown, premier ministre à l'époque, a insisté sur le fait que Cadbury est une entreprise importante de l'économie Britannique, employant quelques 71.600 personnes dans le monde et réalisant près de 7,5 milliards de livres. De nombreux emplois sont alors en jeu.
Commerce équitable
La réputation de Cadbury se révèle dans le domaine du commerce équitable. D'ailleurs, Cadbury crée un partenariat avec des producteurs de cacao pour aider à améliorer leurs conditions de productions. En 2000, Cadbury s'associe avec un groupement d'autres chocolatiers pour créer la World Cocoa Foundation pour protéger les intérêts des producteurs de cacao. Aujourd'hui encore, Cadbury est le seul fabricant international de sucreries à utiliser des produits issus du commerce équitable et de l'agriculture biologique.
La compagnie s'est aussi s'amuser ! Et crée à Birmingham un grand parc à thème, qui célébrait en 2012 son 20è anniversaire ! Là, on peut apprendre l'histoire du chocolat, et découvrir comment le fabriquer. On peut également assister à des dégustations et des démonstrations de fabrication. Avec une petite visite d'usine dans la fabrique de chocolat avant de finir dans la plus grande boutique du monde de Cadbury ! :) Miam !
Guerre de succession
Non contente de la tournure qu'a pris l'épopée Cadbury, l'arrière-petite fille du fondateur prépare sa vengeance. Dans une interview début 2012, Felicity Loudon, déclarait que "vendre l'une des plus ancienne industries britannique, parmi les plus admirées, à une compagnie américaine qui fabrique du fromage sous plastique est une histoire horrible." En mai 2012, elle revend pour 30 millions de livres une demeure de charme dans les Cotswolds pour lancer sa propre fabrique de chocolat, concurrençant ainsi le fameux Dairy Milk. "Je n'avais jamais réalisé que les prédateurs étrangers pourraient venir prendre notre société britannique, et je trouve ça très mal", indiquait-elle à la presse. Elle souhaite que son chocolat reste abordable, original et qu'il continue d'éveiller la curiosité des enfants, et même de réveiller les enfants qui sommeillent en nous. Elle ajoute : "J'aimerai que ce soit un succès, que ce chocolat ne soit pas vu comme un remplacement de Cadbury, mais, en quelque sorte, comme un hommage à mon grand-père."
Cette volonté farouche de reprendre l'affaire familiale se déroule alors que l'arrivée de Kraft Foods sur les terres britanniques n'est pas sans réveiller quelques inquiétudes. En effet, Kraft est revenu sur sa promesse de conserver une usine à Bristol (400 emplois) et a déjà annoncé le départ de 200 personnes de manière volontaire. Tout cela, malgré un redéploiement des sites et un investissement de 50 millions de livres. "Mon grand-père se retournerait dans sa tombe", continue Felicty Loudon. "Il n'a pas seulement créé une marque qui continue de donner de l'envie à des centaines de collaborateurs de se lever le matin mais est également devenu un modèle pour le village de Bournville (là où l'usine est implantée)".
Il y a pourtant peu de chances pour que le nouveau chocolat de Mrs Loudon prenne une infime part de marché du leader Cadbury. Cette dernière étant davantage réputée pour une expérience dans la décoration d'intérieur que dans la fabrication de chocolat...
Et vous, quel est votre Cadbury préféré ?
Sources : The Independant (Mai 2012), Go English (Nov, Dec 2012)